LES DERMATOSES BULLEUSES AUTO-IMMUNES
SOMMAIRE
- INTRODUCTION
Les dermatoses bulleuses acquises
auto-immunes constituent un groupe de maladies, caractérisé par
une perte de la cohésion interkératinocytaire ou des
adhérences dermo-épidermiques, entraînant la formation des
bulles. On distingue deux types de dermatoses bulleuses
auto-immunes :
- Les pemphigus auto-immuns :
dermatoses bulleuses intra-épidermiques
- es dermatoses bulleuses sous
épidermiques.
- LES
PEMPHIGUS AUTO-IMMUNS
Ce sont des dermatoses bulleuses
acquises d'étiologie inconnue, caractérisées :
- Cliniquement par la formation
des bulles
- Histologiquement par la
présence des bulles intra-épidermiques et d'acantholyse
- Immunologiquement par la
présence d'auto-anticorps anti-substances
intercellulaires de l'épiderme.
On distingue deux formes de
pemphigus auto-immuns selon le siège préférentiel du clivage :
- Les pemphigus profonds :
pemphigus vulgaire et végétant où le clivage est
profond supra basal.
- Les pemphigus superficiels :
pemphigus érythémateux et foliacé où le clivage est
situé au niveau de la couche granuleuse et sous la
couche cornée.
Depuis plusieurs années, de
nombreux dermatologistes Tunisiens ont signalé la grande
fréquence de cette affection dans notre pays, ainsi que les
caractères particuliers qui donnent à cette maladie un profil
différent de celui classiquement rapporté justifiant
l'individualisation du pemphigus Tunisien.
En Tunisie, la forme
érythémateuse est la plus fréquente et touche souvent des
femmes jeunes.
A/ Les pemphigus
vulgaires
C'est une maladie cutanéo-muqueuse
grave, mortelle avant l'ère de la corticothérapie, touchant
surtout le sujet d'age mur.
- Aspects cliniques :
- Le début : est souvent
localisé et insidieux. Il s'agit dans plus de la moitié
des cas, d'érosion s buccales traînantes et
douloureuses. Parfois, atteinte de la muqueuse génitale
et conjonctivale, ou encore des lésions suintantes et
croûteuses du cuir chevelu, de l'ombilic et de la
sertissure unguéale.
- L'éruption bulleuse
généralisée : se produit plusieurs semaines ou mois
après le début localisé.
- Les bulles sont : de taille
variable, à contenu clair qui peut devenir louche ou
hémorragique, elles reposent sur une peau saine non
érythémateuse. Les bulles sont flasques, vite rompues,
elle laissent des érosions bordées d'un lambeau
d'épiderme décollé. La cicatrisation est lente et
laissera persister des macules pigmentées.
- La pression de la peau non
bulleuse induit une bulle ou une érosion : c'est le
signe de Nikolski.
- Cette éruption peu ou non
prurigineuse se distribue sur tout le tégument et
prédomine aux zones de frottement.
- L'atteinte des muqueuses,
surtout buccales, est quasi-constante, sous forme
d'érosions extensives et quadrilatères, qui mettent à
nu une surface rouge vif, sans enduit fibrineux, bordées
par une collerette épithéliale.
- Les muqueuses génitales et
oculaires peuvent être atteintes.
- Diagnostic positif :
Repose sur les examens de
laboratoire :
- L'examen cytologique
(cytodiagnostic de Tzanck) ; le grattage du plancher
d'une bulle ou d'une érosion buccale, permet d'obtenir
des cellules acantholytiques après coloration au M.G.G.
Cet examen est surtout utile dans les formes buccales
initiales.
- L'examen histologique : d'une
bulle prélevée sans la crever, montre :
- un clivage horizontal
inta-épidermique, suprabasal, par acantholyse, ceci
correspond à une dégénérescence du dispositif d'union
des cellules aboutissant à la ségrégation des cellules
épidermiques et par conséquent, la formation de la
bulle,
- des cellules acantholytiques :
des cellules épidermiques qui se détachent pour
flotter, libres, dans la cavité.
- L'IFD : d'un fragment
biopsique obtenu en peau péribulleuse et congelé dans
l'azote liquide objective des dépôts d'IgG et/ou C3, au
niveau des membranes cytoplasmiques des kératinocytes
donnant un aspect en "mailles du filet".
- L'IFI : c'est la recherche
dans le sérum du malade des anticorps antisubstances
intercellulaires de type IgG. La présence de ces
anticorps n'est cependant ni constante, surtout dans les
formes localisées, ni spécifique de la maladie
(présents dans les toxidermies, brûlures étendues.
- L'immunoprécipitation et
l'immunotransfert : sont utiles pour caractériser la
spécificité des anticorps circulants. Ils réagissent
de façon prédominante avec une glycoprotéine de 130
KDa (la desmogleine 3).
B/ Le pemphigus
végétant
- Aspect clinique :
Il s'agit d'une affection proche du
pemphigus vulgaire caractérisée par le fait que les plis sont
atteints et que les lésions prennent un aspect végétant,
proliférations rougeâtres, fétides où l'on n'identifie qu'en
périphérie des décollements bulleux (bulles qui laissent place
à des végétations).
Les muqueuses peuvent être
atteintes par des lésions végétantes.
- Diagnostic positif :
- L'histologie : montre comme le
pemphigus vulgaire une bulle suprabasale avec
acantholyse, associées à une hyperplasie épidermique
et des abcès intra-épidermiques à PNN et PNE.
- L'IFD, l'IFI et
l'immunotransfert : sont identiques au pemphigus
vulgaire.
- Diagnostic différentiel :
Les autres dermatoses végétantes
:
- pyodermites végétantes
- halogénides : bromides et
iodides
- syphilides végétantes
C/ Pemphigus
érythémateux ou pemphigus séborrhéique
- Aspect clinique :
- plaques
érythémato-squamo-croûteuses plus ou moins
prurigineuses,
- bulles superficielles et
éphémères, laissant des érosions bordées d'une
collerette épidermique,
- le signe de Nikolski est
souvent net, au voisinage des plaques,
- le siège : essentiellement
les zones séborrhéïques (visage, dos, thorax).
- Les muqueuses sont
habituellement respectées
- Diagnostic positif :
- L'histologie : montre un
clivage situé haut dans l'épiderme, au niveau de la
couche granuleuse avec formation d'une bulle sous
cornée. L'acantholyse est constante mais discrète.
- L'IFD : dépôt d'IgG et/ou C3
en "maille de filet", rarement ces dépôts
épargnent les couches profondes de l'épiderme et se
localisent au niveau superficiel du clivage.
- L'IFI : auto anticorps type
IgG réagissant avec la membrane cytoplasmique des
kératinocytes.
- L'immunotransfert : les auto
anticorps réagissent avec une protéine de 160 KDa
(Desmogleine 1).
- Diagnostic différentiel : cet
aspect de lupus est souvent trompeur et peut égarer vers
- Une banale dermite
séborrhéique ou
- Un lupus érythémateux : en
raison de la présence de plaques érythémato-squameuses
en vespertilio du visage et parfois présence d'une bande
lupique à l'IFD.
D/ pemphigus
foliacé
Aspect clinique :c'est une forme de
pemphigus superficiel disséminée.
- les bulles initiales flasques
font rapidement place à des plaques erythémateuses suintantes
squamo-crouteuses qui confluent pour réaliser un tableau
d'érythrodermie exfoliative suintante.
- le signe de Nikolski est très
net, les muqueuses sont respectées.
diagnostic positif :
l'histologie-l'IFD-l'IFI et l immunotransfert :même
caracteristiques que le pemphigus erythemateux.
E/ Evolution
En l'absence de traitement,
l'évolution se fait vers la mort. Les poussées bulleuses se
succèdent entrecoupées de phases de rémissions incomplètes
dans un contexte fébrile avec cachexie progressive, les
complications infectieuses sont fréquentes. Ce pronostic
péjoratif se trouve aujourd'hui transformé par la
corticothérapie.
F/ Traitement
des pemphigus auto-immuns
Le traitement se fait en milieu
hospitalier repose sur la corticothérapie générale après
élimination des contres indications.
- Traitement d'attaque :
prédnisone à la dose de 1,5 à 2 mg/kg/j jusqu'à
blanchiment complet (8-10 semaines). Dans les formes
très actives et étendues, on peut utiliser le bolus de
corticoïde intraveineux (500 mg à 1 g/j x 3 à 5 jours)
puis relais par la corticothérapie per os à la dose de
1 mg/ kg/j.
- Traitement d'entretien : une
diminution progressive sur plusieurs mois est
préconisée, pour aboutir à la dose minimale efficace.
- Association
d'immunosuppresseurs : azathioprine (Imurel) 100-150mg/j,
cyclophosphamide (Endoxan) 50-200 mg/j, Méthotrexate,
dans les formes résistantes au traitement corticoïde.
- Echanges plasmatiques et
plasmaphérèse réservés aux formes graves.
- Traitement local : bains
antiseptiques quotidiens, antiseptiques locaux, crèmes
antibiotiques, dermocorticoïdes, bains de bouche.
LES DERMATOSES BULLEUSES
AUTO-IMMUNES SOUS EPIDERMIQUES
Elles constituent un groupe de
maladies acquises qui ont en commun :
- décollement bulleux
dermo-épidermique avec un épiderme intact,
- présence de dépôt
d'immunoglobulines et de complément à la jonction
dermoépidermique.
- La
pemphigoïde bulleuse :
C'est la dermatose bulleuse sous
épidermique la plus fréquente. Elle touche souvent le sujet
âgé (> 60 ans).
- Aspect clinique :
- début :
Le début de la maladie est souvent
marqué par un prurit intense, des lésions urticariennes ou
eczématiformes peu spécifiques qui précèdent parfois de
quelques mois l'apparition des bulles.
- Etat : polymorphisme clinique
- bulles : d'apparition
spontanée, tendues à contenu clair, séreux, rarement
hémorragique souvent de grande taille reposant sur une
base érythémateuse parfois sur peau saine , pas de
signe de Nikolski
- prurit généralisé
- lésions associées : macules,
papules érythémateuses, parfois d'aspect urticarien,
polycyclique ou en cible, lésions eczématiformes.
Ces lésions siègent avec
prédilection au niveau des plis de flexion des membres,
inguinaux et axillaire de la face antéro-interne des cuisses et
la partie inférieure de l'abdomen.
L'atteinte muqueuse est rare : 8-30
% des cas surtout de la muqueuse buccale
L'évolution se fait par poussées,
les bulles laissent place à des érosions qui cicatrisent
lentement.
- Diagnostic positif :
- Histopathologie : le
prélèvement d'une bulle récente montre :
- un décollement
dermo-épidermique
- l'épiderme qui constitue le
toit de la bulle est normal
- la bulle renferme de la
sérosité de fibrine et de PNE
- le plancher : derme papillaire
conservé avec un infiltrat inflammatoire
lymphohistiocytaire riche en PNE parfois présence de
micro-abcès papillaires à PNE.
L'étude ultrastructurale : clivage
au niveau de la Lamina Lucida
- Immunopathologie :
- IFD : sur coupe en
congélation d'une biopsie péribulleuse Þ dépôt
linéaire continu d'IgG et de C3 le long de la zone de
membrane basale,
- IFI : anticoprs anti-zone de
membrane basale type IgG. L'IFI sur peau séparée par le
Nacl qui entraîne un clivage dans la lamina lucida,
montre que les anticorps se fixent au toit de la zone de
clivage.
- Traitement :
- Soins locaux en milieu
hospitalier
- Corticothérapie générale :
1 mg/kg/j pendant 3 à 4 semaines (assèchement des
lésions) puis dégression lente jusqu'à une dose
minimale : 0,1 mg/kg.
- Compensation des pertes
hydriques et protéiques
- Surveiller les éventuelles
décompensation des tares (sujet agés)
- Dans les formes localisées
paucibulleuses : dermocorticoïdes de niveau I
B/ La
pemphigoïde gestationis
Il s'agit d'une forme clinique
particulière de pemphigoïde bulleuse survenant au cours de la
grossesse ou en post partum. C'est une pathologie rare, sa
prévalence se situe entre 1/3000 et 1/50.000 grossesse. Elle
survient souvent chez la multipare au cours du 2è et de 3è
trimestre, plus rarement après l'accouchement.
- Aspect clinique :
- Début : marqué par un prurit
intense qui va s'accompagner de papules et de plaques
érythémateuses, siégeant initialement au niveau de la
région péri-ombilicale et peuvent s'étendre de
manière assez symétrique à l'ensemble du tégument.
- Phase d'état :
- plaques érythémateuses
parfois en cocardes surmontées par des vésiculobulles
- lésions urticariennes
- siège : ubiquitaire
épargnant souvent le visage
- pas d'atteinte des muqueuses
- Diagnostic :
- Histopathologie : identique à
celle de la pemphigoïde bulleuse
- IFD : dépôt linéaire de C3
et parfois d'IgG au niveau de la jonction
dermoépidermique.
- IFI : auto anticorps sériques
antimembrane basale de type IgG1, souvent uniquement
détéctables par fixation du complément et
historiquement dénommés "herpès gestationis
factor".
- Evolution :
- L'évolution est spontanément
régressive en un à 2 mois après l'accouchement, mais
la récidive lors des grossesses ultérieures est
fréquente et elle est souvent plus précoce et plus
sévère.
- Le pronostic ftal est
dominé par le risque de prématurité et à un degré
moindre par un petit poids de naissance. Rarement le
nouveau-né présente une éruption cutanée transitoire.
- Traitement :
- Corticothérapie générale :
0,5 mg/kg/j qui n'a pas de retentissement grave sur le
ftus. Les poussées de la période du post partum
nécessitent des doses plus élevées (³ 1 mg/kg/j).
- Dans les formes minimes :
Soins locaux + dermocorticoïdes
C/ La dermatite
herpétiforme
- C'est une dermatose plus
vésiculeuse que bulleuse.
- Elle touche l'adulte jeune (20
à 50 ans) rarement l'enfant.
- Prédisposition génétique :
HLA B8, HLADRW3
- Association à une
entéropathie au gluten
- Aspect clinique :
- Forme typique : le début est
marqué par un prurit généralisé qui peut être
longtemps isolé puis apparition d'une éruption
papulo-vésiculeuse et urticarienne, symétrique et
d'évolution chronique. Les lésions présentent une
disposition en anneau, en médaillon ou en rosette. Elles
siègent d'une façon symétrique au niveau des faces
d'extension des membres, des coudes, des genoux et des
fesses, épargnant souvent le visage, la muqueuse buccale
est rarement atteinte.
- Formes atypiques
- aspect eczématiforme
- aspect de prurigo ou
d'érythème annulaire
Association : entéropathie
d'intolérance au gluten retrouvée dans 70 % des cas. Elle est
souvent peu exprimée cliniquement sans syndrome de
malabsorption.
La biopsie étagée du grêle
permet de détecter l'atrophie Villositaire souvent focale et
modérée.
- Diagnostic positif :

- Histopathologie :
- bulle sous épidermique au
sommet d'une papille dermique
- infiltrat dense du derme
papillaire riche en PNN et PNE, réalisant des
micro-abcès papillaires à PNN.
Cet aspect peut être reproduit en
peau saine par un test épicutané à l'iodure de potassium. La
microscopie électronique montre que la bulle est située sous la
lamina densa.
- Immunopathologie :
- IFD +++ en périlésionnelle :
dépôt d'IgA granuleux au sommet des papilles dermiques
+ dépôts de C3.
- IFI : constamment négatif
- Traitement
- Disulone : 100 à 200 mg/j
puis dégression
- Régime sans gluten : efficace
sur les lésions cutanées et intestinales.
D/ La dermatose
à IgA linéaire

C'est la plus fréquente des
dermatoses bulleuses immunologiques de l'enfant en Tunisie.
- Aspect clinique
- Forme de l'enfant :
- début à la 2è enfance sans
prédominance de sexe
- atteinte périorale et
périnéale ++
- éruption vésiculobulleuse
prurigineuse donnant un aspect en rosette ou en bouquet,
rarement des bulles tendues de grande taille, reposant
sur peau érythémateuse ou normale.
- L'atteinte muqueuse est
inconstante
- L'association à une
entéropathie au gluten et au groupe HLA B8 DR3 est moins
fréquente que dans la dermatite herpétiforme
- Evolution favorable en 2 à 3
ans.
- Forme de l'adulte :
- âge : 50 ans
- pas de prédominance de sexe
- éruption cutanée polymorphe
: bulles de taille variable, parfois à groupement
herpétiforme, plaques érythémato-urticariennes
- topographie ubiquitaire avec
fréquence de l'atteinte du visage
- prurit inconstant
- atteinte des muqueuses : 20-30
% des cas
- Diagnostic positif :
- Histopathologie :
- bulles sous épidermiques
- infiltrat dermique polymorphe
à PNN, PNE
- microabcès papillaire à PNN
: 50 % des cas
- Immunopathologie :
- IFD : dépôts fins et
linéaire d'IgA à la jonction dermoépidermique
dépôts d'IgG et C3 : 50 % des cas
- IFI : anticorps circulants de
type IgA : fréquent chez l'enfant et rarement retrouvés
chez l'adulte.
- Traitement :
Disulone : 100mg/j chez l'adulte et
2 mg /kg enfant ® efficacité rapide
Si échec : association d'une
corticothérapie générale.
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